Jeudi 16 mars 2023, l’arrêt maladie qui allait nécessairement arriver.
Je suis en arrêt maladie, depuis lundi. Mon docteur m’a prescrit une semaine de repos complet accompagnée d’anti-inflammatoires et antidouleurs.
Mon cerveau est un yoyo incessant. J’essaie de voir le positif, mais j’ai surtout une amère impression de retour en arrière. J’ai de nouveau très mal, depuis une semaine maintenant. Les mêmes symptômes qu’avant l’opération. Inflammation de l’intestin, ventre gonflé et douloureux à la digestion, transit ralenti, fatigue chronique, très fortes douleurs pelviennes, tiraillement dans le bas du dos et douleur neuropathique dans le haut de la jambe gauche. C’est bien la pire celle-là. La douleur neuro qui ne réagit pas à l’anti-inflammatoire. Reprendre des cachets me hante, et ils ne sont même pas efficaces contre l’ensemble de mes maux. Je fais donc un retour à la case départ. Et autant physiquement que moralement, je n’y étais clairement pas préparée.
Avec quelques jours de recul, je comprends que depuis ma reprise début janvier, j’évolue à travers un fonctionnement qui était voué à l’échec. Cet arrêt maladie allait nécessairement arriver. Alors j’essaie de comprendre, pour en retirer une leçon. J’essaie de réaliser qu’il va falloir me réveiller et changer réellement les choses. Je comprends surtout bien douloureusement la signification de l’adjectif chronique que l’on attribue à cette maladie. Je me suis vue guérie grâce à cette opération. J’ai souhaité tout oublier et reprendre ma vie d’avant. Mais en réalité, cette vie-là ne reviendra pas. On ne guérit pas de l’endométriose. On peut la calmer quelques temps, c’est ce que nous recherchons toutes, mais on n’en guérit pas. Rentre-toi bien ça dans le crane Fanny. Les douleurs reviennent pour te rappeler à l’ordre. Ce n’est pas fini et ça ne le sera jamais. Et tu n’as toujours pas accepté. Je suis aujourd’hui assez abattue de réaliser cela, je n’ai visiblement toujours pas accepté qu’une putain de maladie allait désormais conditionner le reste de ma vie. Qu’il allait falloir me battre pour qu’elle reste en sommeil. Me battre un peu plus pour faire aboutir l’ensemble de mes projets, avec en toile de fond l’ombre d’une maladie puisant parfois toute mon énergie.
Mais réaliser ne doit pas signifier se résinier. Depuis deux jours, je lis un nouvel ouvrage consacré à l’endométriose et aux solutions naturelles. Et cet ouvrage commence par de nombreux témoignages. Je les ai lu hier, en pyjama sous mon plaid, entre une sieste et un cachet, et j’ai été assez perturbée. De ces onze discours, il ressort quasi systématiquement un nécessaire changement de vie. Nombreuses sont celles qui ont changé de travail. Elles parlent de gestion du stress, de charge mentale, d’environnement toxique à supprimer, de temps pour soi et de temps de repos à privilégier … Elles évoquent également leur hygiène de vie, la suppression des perturbateurs endocriniens, les changements alimentaires drastiques, les routines de bien-être quotidiennes, le sport doux en continu comme remède à la douleur. L’une d’entre elles évoque également la gestion des différentes fatigues, mentale, physique et émotionnelle et l’anticipation de celles-ci. Et moi au milieu de tout cela, je me suis un peu sentie submergée. Je pense avoir déjà fait beaucoup de chemin, mais j’ai actuellement le vertige d’entrevoir ce qu’il me resterait à faire. Les douleurs et la fatigue n’aident en rien, aujourd’hui je me sens forcément abattue et incapable. Le discours aura certainement changé dans quelques jours. Mais faire attention à son hygiène de vie, limiter les perturbateurs endocriniens, mettre en place une alimentation anti-inflammatoire, gérer son stress, faire quotidiennement de la marche ou du yoga, se faire des massages du ventre, se reposer et anticiper la fatigue , … Comment puis-je réussir à mettre tout cela en place, en ayant en effet un travail qui m’occupe 45 heures chaque semaine, dans une ambiance actuellement bien stressante. Et en désirant garder une vie sociale assez vivante ainsi que du temps pour lire, aller au cinéma, écrire, voyager, et réaliser tout un tas de choses et de projets qui me tiennent à cœur. Les journées ne font que 24 heures. Suis-je capable de faire tout cela ? Où en suis-je actuellement ? Ai-je envie de mettre en place tout cela, de tout planifier en fonction de mon corps ? Et ai-je vraiment le choix ? L’une des filles indiquait que la maladie lui aurait « volé pas mal de rêves » tels que courir un marathon, faire de l’humanitaire, parcourir le monde. Elle lui aurait plus précisément « fait changer » ses rêves, puisqu’elle aspire désormais à apprécier les plaisirs simples de la vie, toute seule ou avec son entourage. Ce témoignage là m’a foutu un coup. Fanny, es-tu prête à renoncer à certaines choses ? A te fermer des portes ? Est-ce ta philosophie de vie ? Et si tu ne le fais pas, ne seras-tu pas éternellement insatisfaite et frustrée de ne pas y arriver ? Je devine qu’il va falloir trouver un juste milieu. Trouver mon équilibre. Réaliser ses rêves oui, mais en adéquation avec ses capacités. Il faudra surement jouer sur la temporalité. Relativiser, si ce n’est pas maintenant ce sera plus tard. Mais ce sera un jour, ça c’est certain. Après avoir lu tous ces témoignages, et m’être sentie bien perdue, je suis allée voir le Nature Trail Film Festival. Et là clairement, motivation reboostée à fond, non on ne se fera pas « voler » ses rêves par la maladie. On ne fera jamais un UTBM, il faut tout de même rester à son niveau ! Mais on ne baisse certainement pas les bras ! Jamais.
Au milieu de toutes ces douleurs et de ces émotions, j’essaie donc de comprendre pourquoi mon corps m’a dit stop. Il est clair que je n’ai pas assez pris soin de lui. Surement par nécessité de sortir du dictat qu’il m’impose depuis de nombreux mois. Quelques semaines après l’opération, j’ai pu constater une amélioration, alors j’ai foncé. J’ai lâché les chevaux comme on dit. Raclette, tartiflette, bière, gluten, charcuterie, apéro, … J’ai cessé de réfléchir ; même si je ne pense pas que le tableau soit si noir, je garde quand même de bonnes habitudes alimentaires et de nombreuses bases de l’alimentation anti-inflammatoire. Mais j’ai enchainé les excès, ça je le reconnais. Côté sport, contrairement à ce que je m’étais promis, je n’ai eu aucune discipline. Je m’étais promis de recommencer un peu chaque jour. J’ai tenu 10 jours. Et puis j’ai fait des sorties sportives plus intenses, qui m’ont fait mal et ont entrainé des phases de récupération sans sport trop longues. Ici aussi, un véritable yoyo. Ce n’est peut-être pas si dramatique, mais ça me donne l’impression de chaque fois repartir de zéro. Et ça moralement, ce n’est franchement pas top. Au boulot, je n’ai bien sur aucunement réussi à alerter sur mon état de santé. J’ai donc tiré sur la corde, forçant mon corps à tenir. Car comme je l’évoquais, côté professionnel, j’évolue dans une ambiance de stress permanent très difficile à gérer. Les divers accrochages avec mon directeur et son comportement m’amènent à sérieusement me demander ce que je fous là, à subir cette situation. L’ambiance a été très détestable. J’ai emmagasiné du stress ainsi que de la déception, de la colère et de la rancœur avec mon supérieur hiérarchique qui n’a selon moi aucunement rempli son rôle de manager envers moi. Il a très mal agi mais ne reconnaitra jamais ses torts. Ce qui n’aide en rien à aller de l’avant. Au lieu de cela, il préfère se contenter du consensus que je ne suis actuellement pas à 100% concentrée et impliquée dans mon travail. Il retiendra donc que c’est de ma faute. Que depuis mon opération, je n’y arrive pas. Que je suis hyper sensible à le trouver agressif. Que je ne suis pas assez forte, qu’il ne peut pas compter sur moi. Voilà ce que mon directeur me fait ressentir. Il me met dans un état de stress permanent et me fait douter de mes capacités et donc perdre confiance en moi. Allez cicatriser sereinement d’une opération chirurgicale dans un ambiance comme celle-ci vous. Acceptez que vous ayez une maladie chronique touchant votre intimité et votre féminité pendant qu’on vous fait comprendre qu’être malade c’est être faible,… Mais quel enfer !
Préserve toi Fanny. A ce stade, il est inutile d’espérer changer cette personne. Sa retraite étant programmée pour cet été, pense donc à l’avenir et essaie de retrouver un peu de sérénité. Les mois vont passer, il va s’en aller, et tout va s’équilibrer. Après avoir écrit tout cela, je comprends pourquoi mon médecin m’a arrêtée toute la semaine. Au début j’ai trouvé ça long. Désormais je l’en remercie. J’ai dormi, je me suis rendue compte que j’étais épuisée, autant émotionnellement que physiquement. Je tirais bel et bien sur la corde de tous les côtés depuis janvier. J’ai lu et regardé des films pour reposer mon esprit. J’ai fait de nombreux exercices de respiration. J’ai repris mon alimentation en main, désormais consciente de la nécessité de conserver une certaine rigueur sur ce point-là. J’ai vu ma kiné qui a localisé mon inflammation et m’a aidé à comprendre et soulager mes douleurs. J’ai également vu mon acupunctrice qui m’a fait un soin et en a programmé un complémentaire la semaine prochaine. Pour qu’elle divise le soin en deux séances, c’est que les maux sont vastes… Et j’ai écrit, pour faire le point de tout cela. Comprendre où j’en suis actuellement. Quelque part encore et toujours sur le chemin de l’acceptation. Avançant pas à pas dans la recherche de mon équilibre. Me répétant une énième fois que Colette sera toujours là. J’ai pris une belle baffe ces jours-ci. Je me pensais vraiment guérie. Il ne me reste donc plus qu’à apprendre de mes erreurs et continuer mon chemin.