11. Faire de la coelioscopie une victoire.

Lundi 13 février 2023, deux mois après l’opération. 

Je me sens mieux. Les douleurs s’estompent petit à petit et mon cerveau relâche du lest. Cela met du temps mais d’après le chirurgien, tout est normal. Le corps mettrait quatre mois complets à se remettre totalement.

L’opération s’est très bien passée. Je suis arrivée à la clinique ce mercredi 7 décembre 2022 très sereine et confiante, consciente que la délivrance arrivait enfin. J’étais préparée et soulagée que le combat mené jusqu’ici aboutisse sur ce résultat. Une petite opération et ma vie allait, je l’espérais, rentrer dans l’ordre. Il était temps.

Les semaines précédentes ont été difficiles, plus aucun sport, très peu de sorties, une alimentation adaptée et donc limitée et un cerveau très fatigué de tout ceci. Fatigué de devoir faire attention à tout, de calculer le sommeil et les temps de repos, les repas et l’alimentation anti-inflammatoire, les traitements soulageant les douleurs, l’économie des efforts,… Rendez-moi mon insouciance et mon corps capable de manger une tartiflette, de boire des bières, de sortir danser, d’enchainer avec le boulot et de courir plus de 10 min. C’était devenu très long. Et je pense essentiellement parce que je n’étais pas dans l’acceptation. Je ne pouvais me résigner à une vie aussi bornée, cloisonnée, dépendantes de tout un tas de règles qu’il allait falloir me créer pour réussir à vivre au ralenti. Moi, Fanny Dupeyron, vivre au ralenti… Ce n’est pas pour tout de suite !

Je suis donc arrivée à la clinique sereine et décidée. Oui cette opération allait bien se passer. Oui mon corps allait s’en remettre. Et oui j’allais reprendre une vie qui me convient. Il y avait dans mon esprit une sorte de détermination qui prenait le pas sur le stress. J’ai desserré les dents à plusieurs reprises, au fond, qu’on aille trifouiller dans mon ventre, ne m’apparaissait pas comme une partie de plaisir. La peur était un peu là. Mais contrairement à ces moments d’anxiété ou notre cerveau perd le contrôle, je suis restée cette fois-ci très concentrée. Mes pensées ne sont pas parties dans tous les sens. J’ai sagement attendu mon tour en pensant à mon rétablissement post opératoire, en me focalisant sur l’après, déterminée à faire de cette chirurgie une victoire contre la maladie.

Hospitalisation - Coelioscopie - Endométriose

L’opération a duré 40 min. Le chirurgien a enlevé des lésions d’endométriose sur les deux ligaments utérosacrées (ligament suspenseurs de l’utérus). Les lésions bien étalées mais heureusement peu profondes. Il a également effectué une « douglassectomie » : résection du cul de sac de douglas (situé entre le rectum et le vagin). Toutes ces lésions qui étaient responsables de douleurs quotidiennes dans le ventre, la région pelvienne, le bas du dos, les jambes,… Des douleurs à l’effort, à la digestion, à la selle ou après les rapports…  Il a également ôté une petite lésion sur mon ovaire droit, le genre qui peut impacter la fertilité en se développant. Il a enlevé tout ça oui. Et de l’écrire aujourd’hui me fait réaliser un peu plus. Tout cela a été nettoyé. Il ne reste qu’à cicatriser.

Le réveil après l’opération s’est bien passé et les jours suivants ont été douloureux mais supportables avec une alternance doliprane / ibuprofène. Je n’ai pas souhaité prendre de traitement plus fort et j’ai réussi à tenir le coup.  Mon cerveau lui, s’est mis à l’arrêt en même temps que mon corps. Moi qui pensais en profiter pour écrire, je n’ai réussi à rien faire si ce n’est manger du chocolat, regarder des séries, lire un roman, dormir. J’ai pris trois semaines de pause le temps de me reconstruire physiquement et moralement. C’était bien, c’était nécessaire et ce n’était malheureusement pas assez. La reprise du boulot a réveillé les douleurs. Dès le premier jour une crise de douleurs m’a saisie vers 17h et je suis rentrée pliée en deux. La douleur a mis 40 min à passer, couchée sur mon canapé avec un ibuprofène et une bouillote sur le ventre. Ça a été comme ça chaque jour. Et à la fin de la première semaine, des saignements sont venus accompagner ces douleurs. C’était dur mais je ne me suis pas alertée, persuadée qu’il s’agissait de la cicatrisation, ralentie par ma reprise d’une activité quotidienne. J’ai écrit au chirurgien au bout de deux semaines et ça a fini par passer au bout de trois. J’ai vu mon ostéopathe, afin d’aider un peu mon corps à guérir. Et j’ai pris mon mal en patience.

Aujourd’hui, plus de deux mois après l’opération, je ressens encore quelques douleurs de fatigue. Sorte de tiraillements apparaissant lorsque je tire un peu sur la corde. J’ai gardé de bonnes habitudes alimentaires mais mange une tartiflette et prends l’apéro volontiers sans réfléchir. Mon esprit est plus apaisé. Je retrouve de la liberté ! Et si j’ai le ventre encore un peu en vrac, je sais que c’est en grande partie à cause de la période de stress que je traverse au boulot. Le stress n’aide pas à cicatriser, bien au contraire. L’ostéo m’a conseillé des exercices de respiration quotidiens que bien sur je n’ai pas encore réussi à mettre en place. Il va falloir que je me fasse violence si je veux surmonter ce mauvais moment et permettre à mon corps d’aller mieux. Le chirurgien lui, m’a précisé que selon lui, la maladie ne reviendrait pas tant que je resterai sous traitement hormonal en continu. Je peux vous dire que ça, ça fait plaisir à entendre ! Nous avons eu un rdv en visio deux mois après l’opération soit lundi dernier. Il a été plutôt rassurant. Les douleurs devraient complètement partir, ce que je constate déjà. Et il ne lui semble pas nécessaire de faire des IRM de contrôle tant que mon corps n’indique pas de nouveaux problèmes. Je peux vivre normalement, avoir un suivi gynéco classique, et être satisfaite d’avoir gagné la partie. Ou peut-être plutôt CETTE partie. Car si un jour je désire avoir un enfant, il faudra bien que j’arrête le traitement et que mes cycles reprennent. Nous avons beaucoup discuté de cela. Et même s’il a été très positif à ce sujet, je sais déjà que ce sera une autre étape à franchir. Ne serait que moralement, dans le cas où comme il l’entrevoit, tout se passerait bien.

Depuis quelques jours je me questionne donc beaucoup sur mon rapport au travail VS ma santé et mon bien être. Car depuis ma reprise, tout ne se passe pas à merveille. J’ai repris le travail, au même rythme qu’avant, alors que mon corps n’était pas prêt. Pire même, j’ai repris et bossé au bout d’à peine un mois, 60 heures dans la même semaine. Ceci dans le but de répondre à l’organisation mise en place par mon directeur pour l’accueil d’un groupe de 400 personnes supplémentaires midi et soir. J’ai accepté de le faire en étant pleinement consciente que cela allait être très dur, voire trop dur, pour mon corps. Alors pourquoi cette décision ? J’aurais presque envie de dire que j’ai accepté parce que je n’avais pas le choix, plus que par désir de surpasser mon corps et sa cicatrisation. Mais n’a-t-on pas toujours le choix ? J’aurais très bien pu dire non. En réalité, ce qu’il s’est passé ces dernières semaines, c’est qu’à mon léger problème de non–acceptation de la maladie et de ses conséquences sur mon corps, me poussant à ne pas assez me reposer, s’est superposée une pression professionnelle très lourde imposée par mon directeur. Face à son caractère exécrable en toutes circonstances, je n’ai pas osé dire stop. Je n’ai pas osé ne serait-ce qu’évoquer l’idée éventuelle que 60 heures de travail hebdomadaire, moins de deux mois après une cœlioscopie, pouvait être une idée légèrement moyenne… Pour ne pas dire une idée bien pourrie forcement vouée à l’échec ! Et je me dépite d’écrire cela. Qu’est-ce qu’il me prend de faire passer ma santé et mon bien-être à ce point derrière le travail et la satisfaction d’un directeur que je ne verrai plus dans six mois ? Qu’est-ce qu’il me prend d’accepter depuis deux ans l’ensemble de son comportement négatif et épuisant ? Je travaille cinq jours par semaine avec un mec qui passe son temps à décharger sa négativité sur moi. Et je suis là bien gentiment, disponible immédiatement dès qu’il en a besoin, à trouver des solutions, arrondir les angles et ménager sa susceptibilité, le tout, avec le sourire et la bonne humeur. C’est du grand n’importe quoi Fanny. Je comprends enfin qu’il est nécessaire de dire stop. Que contrairement à ce qu’il fait comprendre, j’ai le droit d’être malade et de ne pas être disponible à toute heure. Son caractère et son comportement m’amènent aujourd’hui à ne pas oser lever la main lorsque cela devient dur pour moi. Et ils m’amènent surtout à m’épuiser jusqu’à l’effondrement en pleurs dans mon bureau en plein après-midi.

Il va falloir se réveiller. Se faire enfin passer pour priorité. Et dire STOP.

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