9. En route pour la coelioscopie.

Samedi 8 octobre 2022, double danse de la joie.

J’ai eu un rendez-vous avec un nouveau spécialiste. C’était jeudi 29 septembre, il y a 9 jours. Comme il s’agissait d’un gynécologue de l’institut d’endométriose de Bordeaux, nous l’avons fait en visio.

Il a eu du retard. Alors bien sûr, enfermée à clé dans mon bureau, volet fermé pour ne pas être à contrejour à la caméra, j’ai paniqué. J’ai eu quarante-cinq minutes pour passer de l’impatience à l’angoisse, et un bref instant je l’avoue jusqu’au désespoir. Au départ, j’étais très motivée, j’avais des idées très positives quant à cette nouvelle consultation. Et puis vingt minutes plus tard, mon cerveau se faisant tous les nœuds possibles, j’en étais à « Encore un rendez-vous qui ne va servir à rien. Je ne vais jamais m’en sortir de cette putain d’épée d’Excalibur plantée dans mon utérus ! » J’ai essayé de me calmer et de faire redescendre ce moment de panique. Je l’avoue, j’ai dû connaître quelques minutes d’ivresse. Entre les respirations profondes et le spray Rescue, dont j’ai peut-être un peu abusé, j’ai eu quelques instants flous. Complètement bourrée à l’oxygène et aux fleurs de Bach. Il ne m’en faut plus beaucoup pour me saouler, au moins c’est pratique… Quoi qu’il en soit, j’ai finalement réussi à calmer la panique et tout ce drama s’est avéré bien injustifié. Notre échange s’est très bien passé.

Pour la toute première fois, je me suis sentie à l’aise, écoutée et considérée. Non, c’est faux, voilà que je raconte des bêtises. En réalité, c’était la deuxième fois. Car j’ai trouvé juste après l’été un nouveau médecin traitant à l’écoute. Alléluia ma sœur ! Ça vaut bien une petite dans de la joie. Les gars, J’AI TROUVÉ UN MEDECIN TRAITANT ! Une personne prête à m’accompagner, à m’aider et avec qui je vais enfin me sentir à l’aise. C’est pas génial ça ? Je suis arrivée dans son cabinet à un moment où je n’en pouvais plus. Alors bien sûr, j’ai pleuré. Non pas que j’en puisse aujourd’hui mais un chemin s’est dessiné devant moi alors je m’y accroche fermement. Un généraliste n’est pas un spécialiste, nous n’avons donc qu’assez peu évoqué mes symptômes. Elle m’a simplement écoutée, et surtout crue. Ça paraît rien comme ça mais repensez à mon épisode aux urgences et à ces questions sur mon état de stress et d’angoisse… Elle m’a tendu un mouchoir, prescrit mes antidouleurs et rédigé une lettre à l’attention du nouveau gynécologue. Sur cette lettre elle a écrit « se sent seule ». Oui, je suis d’accord !… Mais ça ne va bientôt plus être le cas, car je vous ai trouvé Madame. Je me suis battue, mais je suis arrivée jusqu’à vous ! Et puis merci. Tiens j’en profite. Merci de m’avoir écouté, merci d’avoir accepté de m’aider, merci d’avoir été bienveillante, merci d’avoir montré mon dossier à votre collègue gynécologue, merci de m’avoir écrit ce sms très rassurant le lendemain de notre rendez-vous « Elle dit que vous ne pouvez pas mieux tomber avec ce spécialiste à Bordeaux ». Merci.

Alors pour revenir à ce gynécologue bordelais, je vais plutôt dire que pour la première fois, je n’ai pas pleuré en évoquant les symptômes de ma maladie. Petite victoire je l’avoue, c’était très libérateur ! J’ai réussi à tout expliquer, à rentrer dans les détails, à ne pas perdre mes mots. Je n’ai pas eu peur de ne pas assez en dire ou à l’inverse de trop insister. J’étais sereine. Et voilà que j’ai avec moi, une deuxième personne (troisième si je compte mon acupunctrice) du corps médical sur qui compter. Double danse de la joie ! Salutations au soleil, à la lune, à qui vous voulez !

Mais alors depuis comment dire… J’assiste de façon complètement spectatrice à ma vie. Les choses avancent, c’est très bien, c’est ce que j’attendais et même ce que j’ai provoqué. Mais tout s’accélère d’un coup. Et mon cerveau lui, n’était apparemment pas prêt. J’ai dépensé tant d’énergie pour en arriver là que de voir enfin des portes s’ouvrir me laisse incrédule. Nous y voilà enfin, ça y est, tu peux un peu te reposer. Je te félicite. Tu t’es démenée, tu n’as rien lâché, et tes efforts payent enfin. Sois fière de ta détermination et de ton courage. Pleure un bon coup, repose-toi. Et promis, tout va bien se passer.

Je pense que je ne réalise pas vraiment. Nous avons discuté quarante minutes. Nous avons parlé de l’ensemble des symptômes, des douleurs pelviennes quotidiennes, des problèmes digestifs, du ventre gonflé, des crampes d’estomac, des infections urinaires essentiellement post rapports sexuels, des douleurs à la selle, de la fatigue chronique, du mal de dos, des douleurs neuropathiques dans la jambe, l’épaule et le bras gauche, des maux de tête, de l’impossibilité de courir, des moment d’abattement physique qui me prennent parfois en pleine journée,… Nous avons parlé des traitements mis en place. J’ai pu le questionner sur ma pilule en continu. Est-elle adaptée sachant que j’ai eu des saignements il y a deux semaines ? Oui, cela peut arriver, c’était la première fois en quatre mois, rien d’alarmant. Mon corps connaît cette pilule, il est inutile de lui faire subir un nouveau dosage d’hormones. Me voilà rassurée. On a parlé de l’électrostimulation. Je n’étais pas convaincue au début, je le suis désormais un peu plus. J’ai réessayé et cela ne me tort plus le ventre. Je pense que j’étais à un niveau de douleurs et de problèmes digestifs trop élevé les premières fois. Maintenant que c’est un peu redescendu, que mon ventre digère un peu mieux mon alimentation adaptée, l’électrostimulation me fait du bien. Elle calme les douleurs pelviennes. Alors je vais persévérer. Il a rapidement compris que j’avais déjà mis en œuvre tout ce que je pouvais pour contrer la maladie. Acupuncture tous les deux mois, ostéo, yoga, massages du ventre, bouillote, repos, alimentation anti-inflammatoire, huiles essentielles, natation… en plus de la pilule en continu et de l’électrostimulation. Je ne sais plus quoi faire d’autre. J’ai une vie de none. Je paye le moindre écart de bouffe ou la moindre activité sportive trop violente. Je suis crevée dès que je sors du boulot. Je ne fais plus rien, si ce n’est m’occuper de ma maladie. Et je ne me reconnais pas. Ce n’est pas moi. Passer mes weekends au lit ne me ressemble pas. J’ai besoin d’avancer, de bouger, toujours. J’ai besoin que cela change.

Je pense qu’il a compris. Bien sûr, cela m’a fait bizarre et j’ai cogité plusieurs jours. Mais il m’a proposé la cœlioscopie. Et s’il l’a fait, c’est qu’il pense que je suis prête pour, que je peux y prétendre et qu’il peut m’aider à aller mieux grâce à cela. Il m’a bien expliqué. On n’opère pas en fonction de la taille des lésions mais en fonction des symptômes. Certaines femmes ont des lésions très profondes mais des symptômes vivables. La chirurgie y foutrait trop de bazar pour que cela vaille le coup. Chez moi, ce serait plutôt l’inverse. De lésions étendues mais superficielles, mal placées causant des symptômes invivables. L’opération se justifie. Alors allons-y.

Depuis dix jours je remplis des papiers pour n’en comprendre le sens qu’après. Ce n’est pas très logique, mais mon cerveau est au ralenti. Je vous l’ai dit, je suis spectatrice. Je signe les documents pour l’opération, valide le rendez-vous avec l’anesthésiste, imprime les prescriptions pré et post opératoires et les range proprement dans un dossier intitulé « cœlioscopie ». Je n’ai pas été capable de tout lire ou de me renseigner un peu plus. L’opération est pourtant prévue dans deux mois, le 7 décembre. Cela arrive vite, mais c’est tant mieux. Je vais pouvoir enchainer mon arrêt maladie avec les vacances de Noël. C’est l’idéal pour la guérison. Et puis 2023 démarrera sur une nouvelle dynamique. Le 7 décembre c’est bientôt oui, mais ça fera aussi deux ans et demi de souffrance. Alors ce n’est pas si tôt que ça. Même si je sais, je peux m’estimer chanceuse, le temps moyen pour diagnostiquer la maladie est de sept ans. Et de nombreuses personnes bataillent bien plus longtemps avant de se voir proposer la chirurgie. Je sais. Et bien sûr, j’ai eu un doute. Bien sûr, durant quelques instants, je ne me suis pas sentie légitime. Je le sais, beaucoup d’endométriosiques souffrent bien plus que moi. Mais je le sais aussi, chacune a son parcours. Alors si le mien est plus rapide et moins douloureux que certaines, pourquoi culpabiliser et se sentir illégitime ? Je m’en suis rapidement voulu d’avoir eu ces stupides idées. Mais elles m’ont permis et me permettent encore de m’affirmer. Si j’en suis là, si mon diagnostic s’est fait en deux ans et que l’opération est d’ores et déjà programmée, c’est que je me suis battue. Et je me reconnais là enfin. Je suis battante et extrêmement persévérante. Garde surtout cela en mémoire ma petite. Tu mérites que tout rentre dans l’ordre. Tu t’es donné les moyens et n’a jamais baissé les bras, tu as trouvé ce qui clochait dans ton corps, tu t’entoures petit à petit des bonnes personnes et tu trouves des solutions. Sois fière du chemin parcouru, et fais nous une nouvelle danse de la joie en prévision du 7 décembre !

Bon j’ai quand même rapidement parcouru les documents. Mon cerveau a intégré qu’il allait falloir suivre un régime strict avant l’opération, apporter un pyjama à la clinique, et me trouver un endroit douillet pour ma convalescence. Il a compris que j’allais avoir quatre trous dans le ventre dont la cicatrisation sera suivie par un infirmier à domicile. Il a compris que si les rapports sexuels seront interdits pendant minimum six semaines en post-op, c’est que ça sera douloureux un bon moment. Ça va être une épreuve, mais c’est pour aller mieux après. Et puis il a vu le montant des dépassements d’honoraires. Fanny, un spécialiste dans un institut dédié à l’endométriose, dans une clinique privée, tu croyais que ça allait être gratuit ? Non mais ça va pas mieux toi… Alors j’ai pris rendez-vous avec la mutuelle et j’ai cherché la meilleure solution. Et là je vous le dis, PUTAIN ça coute cher cette maladie !

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