Mardi 28 juin 2022, sur la voie de l’acceptation.
Dimanche j’ai écouté un podcast. Celui-ci parlait du désinvestissement du corps que la maladie peut parfois provoquer, par véritable inacceptation de celle-ci. Sans solution, on finit par fuir la réalité. Le corps et la santé physique sont alors extrêmement négligés. La maladie est oubliée et le cerveau prend largement le dessus sur le corps, inhibant tout signe de mal-être. Mais lorsque le cerveau lâche prise et que le corps se réveille, la chute peut au final s’avérer bien difficile… À contrario, certains se surinvestissent dans la gestion de la maladie. Le bien-être corporel devient alors une réelle obsession. Prendre soin de son corps passe avant tout (alimentation, sport et mobilité, yoga, massages, gestion de la fatigue, hydratation de la peau,…), avant même le travail ou les relations sociales. Cet investissement maladif peut ainsi renforcer l’isolement. La conclusion est qu’il s’agit bien entendu de trouver un juste milieu. Prendre conscience de la maladie, de son corps et de son bien être sans négliger les autres composantes équilibrant la santé mentale. Il s’agit aussi de se couper parfois de la charge mentale apportée par tous les éléments extérieurs afin de se recentrer sur son corps. Se recentrer sur l’instant présent et écouter les sensations ressenties. Il faut arriver à compartimenter, dissocier les différents éléments de sa vie et s’accorder des moments seule, en accord avec son corps. Sans tomber dans la recherche nécessaire de résultats, il suffit juste de déculpabiliser de ne pas être toujours dans l’équilibre idéal entre gestion de la maladie, obsession de bien-être, négligence du corps et santé mentale. Le chemin vers cet équilibre est dur et comme tout apprentissage, il sera semé d’erreurs dont il faudra tirer des leçons. Enfin, il est aussi acceptable de fuir vers des choses plus douces lorsque tout cela devient trop dur.
Les intervenantes du podcast évoquaient également l’angoisse de la douleur avant les rapports en parallèle avec celle apparaissant post rapport, lorsque les douleurs arrivent. Car parfois, on se jette à l’eau en se disant que les douleurs ne seront pas là. On oublie. Et puis l’angoisse est encore plus grande lorsque les douleurs se déclenchent. On se sent submergé. On culpabilise. On n’aurait pas dû… J’ai longtemps eu ce comportement. Lorsque j’étais dans ma période infections urinaires à répétition, les rapports me déclenchaient systématiquement des crises de douleurs quelques heures après. Et chaque fois, je culpabilisais. Pourtant, chaque fois je recommençais sans réfléchir. Tout ceci est bien difficile à verbaliser. J’étais alors en couple et notre relation était toute neuve. Comment donc rester dans la séduction tout en parlant de douleurs aux rapports. Comment ne pas avoir peur de désintéresser, de passer encore pour une fille chiante avec qui rien n’est simple. Comment ne pas culpabiliser de ne pas satisfaire son compagnon ? Comment ne pas avoir envie que tout s’arrête d’un coup, espérer qu’enfin la vie reprenne son cours et que la vie sexuelle s’épanouisse sans encombre. Aujourd’hui cette période est derrière moi. Peut-être parce que ma prise en charge de la maladie et de mon corps l’ont permis, peut-être parce qu’après une séparation, mes rapports se sont nettement raréfiés. Peut-être qu’une augmentation de la fréquence des rapports réveillerait ce démon des crises. Peut-être que mon corps prend actuellement le temps de guérir et qu’une vie sexuelle sans douleur m’attend d’ici quelques mois. Seul le temps me le dira.
Quoi qu’il en soit, il apparaît important de ne pas essayer de protéger les gens en minimisant les problèmes. Si je dois faire une rencontre demain et que je souhaite qu’elle parte sur de bonnes bases, il faudra que je sois authentique. Que je reste honnête et sincère et que je raconte mon quotidien sans tabou. Facile à dire hein… « Salut moi c’est Fanny et j’ai une maladie invalidante qui me pourrie actuellement le quotidien ». Ça donne envie ! Mais je dis quand même « actuellement », car il faut bien retenir, et je le constate très bien depuis deux ans, que rien n’est figé dans l’endométriose. Tout évolue. Je suis d’abord passé par des infections à répétitions, j’ai ensuite eu des kystes puis de nombreux problèmes digestifs. Chaque étape et chaque prise en charge de ma part a fait évolué les choses. L’adaptation de mon alimentation a considérablement diminué mes problèmes digestifs. Avec la prise en continu de la pilule, l’intensité des crises devrait diminuer et donc limiter la prise d’antidouleur. Récemment, les douleurs dans la partie génitale et les douleurs neuropathiques dans la jambe gauche ont pris le dessus. Mais je continue sur ce chemin, si les choses évoluent et que je les gère pas à pas, il se peut que j’arrive bientôt à maîtriser l’ensemble des symptômes. Et alors… alors le retour à la vie normale, le retour vers la confiance en moi. Le retour vers l’apaisement psychologique.
J’ai récemment remarqué que j’éprouve parfois trop de colère pour raconter. Les gens m’en parlent et s’y intéressent, ce qui forcément me touche beaucoup. Des personnes jusqu’alors assez éloignées sont désireuses de m’aider. Et je me retrouve parfois à ne pas vouloir en parler. Tout cela est tellement épuisant et omniprésent pour moi que l’évocation de cette maladie pourrie me donne parfois l’envie de fuir la conversation. Car j’ai envie de parler d’autre chose. J’ai envie de penser à autre chose, j’ai envie qu’on me parle de la vie normale, pas de ma vie désormais conditionnée. Je pense donc que je n’ai pas encore pris le recul nécessaire. L’une des intervenantes du podcast conseillait, pour rester sincère et réussir à raconter, de devenir narrateur extérieur de la situation. Cela aiderait à ne pas laisser trop de place aux émotions. Elle incitait à écrire ce que l’on a envie de raconter à l’autre. Moi qui suis à l’aise à l’écrit, j’avoue avoir gardé cette idée en tête. Mes écrits actuels et le chemin que je parcours me permettent petit à petit de prendre ce recul. Je dois comprendre que je n’existe pas qu’à travers cette maladie et qu’elle n’est qu’un détail de ma vie. Je dois la relayer au second plan tout en continuant de la gérer du mieux possible. Certains jours cela me semble très dur, mais aujourd’hui, je suis convaincue de finir par y arriver !
Enfin, les filles évoquaient l’isolement et le manque d’accompagnement ressenti de la part de nos proches. Parfois la maladresse de ces derniers. Je le vis bien entendu. Les réponses expéditives me conseillant d\’aller voir un psy si je ne me sens pas assez écoutée. Cette facilité de me trouver une solution pour ne pas approfondir ce sujet qui fait chier. Et tant pis si cela ne me convient pas. Au moins une solution a été donnée… Et puis l’effet de groupe qui selon moi provoque une diminution abrupte de la compassion. A plusieurs, on ne rentre pas dans les détails. Et on juge parfois plus facilement qu’on essaie de comprendre. De tout ceci, il faut juste garder en tête que personne n’est formé ou éduqué à voir les gens que l’on aime souffrir. Personne ne peut supporter la souffrance d’un être cher. Ainsi, chacun réagit comme il le peut. À écrire cela, j’avance petit à petit vers l’acceptation des comportements de mes proches. Je ne peux sincèrement pas leur en vouloir. Inutile donc de dépenser de l’énergie déjà trop souvent manquante dans des émotions telles que la rancœur ou la colère. Je dois m’apaiser vis à vis de cela. Ils ont parfois du mal à savoir comment être là, mais au moins ils le sont, et pour un certain nombre, je sais qu’ils le seront toujours.