2. Endométriose, errance et urgences médicales.

Lundi 2 mai 2022, mon corps réclame des hormones.

J’ai bel et bien arrêté la pilule, pour tester. Et mon corps a tenu trois jours. Trois malheureux jours remplis de douleurs atroces et d’une immense fatigue.

Samedi, j’ai passé la journée avec la sensation d’un couteau planté dans le ventre et de lames de rasoirs se baladant dans mon utérus. J’ai eu les douleurs les plus vives ressenties jusqu’alors et je me suis sentie extrêmement mal. Non seulement parce que c’était physiquement insupportable, mais aussi parce que je me suis rendue compte que les personnes autour de moi ne comprenaient rien. Ils ne s’imaginent pas ce que cela fait, ils ne peuvent pas savoir. Dans l’après-midi, une de mes amies m’a maladroitement répondu « Oh arrête de dire que t’as mal au ventre, tu ne fais qu’y penser ». Et sur le coup, je suis restée scotchée. J’ai eu, encore une fois, la sensation d’être la copine chiante. J’ai eu envie de disparaître, de nous faire oublier moi et mes problèmes de ventre. Je me suis mordu les doigts d’être sortie de chez moi pour finalement me dire que non, je ne devais pas m’isoler socialement plus que ce n’est déjà le cas. Il en va de ma santé mentale. Je me dois de continuer d’avoir au maximum une vie normale. Alors en y réfléchissant et en mettant cela en concordance avec le caractère assez brut de mon amie, je me suis dit que c’était sûrement sa façon à elle d’essayer de me changer les idées. J’ai essayé de ne pas le prendre contre moi et de ne pas me vexer pour rien. Car la perception et les réactions de notre entourage fait aussi partie du combat.

Hier les douleurs se sont un peu apaisées et j’ai dormi, par petites siestes car régulièrement réveillée par la douleur, mais toute la journée. J’étais littéralement épuisée. J’ai été incapable de sortir de chez moi et comme à chaque fois, cela m’a miné le moral. J’ai un réel problème avec l’idée de passer une journée à ne rien faire. J’ai trop peur de perdre mon temps. Je me déçois de ne pas avoir la force d’aller explorer, profiter, m’épanouir dehors. En bref, je déteste simplement l’idée de perdre une journée à me reposer. Sauf que si j’ai bel et bien une maladie chronique, je vais devoir apprendre à faire avec ! Car il va en falloir des journées de repos. Je vais devoir ralentir, écouter mon corps, ne pas en faire trop, m’économiser… Il va falloir prendre sur moi et l’accepter. Décidément, ce combat se mène bel et bien sur plusieurs fronts.

Aujourd’hui, après une bien pénible journée de travail, j’ai décidé d’aller aux urgences. Je pars à Séville jeudi et il est clair que je ne peux y aller dans cet état. Les douleurs sont bien trop handicapantes. Alors les urgences. Croyez-moi, pour que j’en arrive là, c’est vraiment que le désespoir est grand ! Bien entendu j’ai pleuré. J’ai dû expliquer pour la énième fois mon histoire à une interne et un médecin. J’ai expliqué que le doliprane et le spasfon ne suffisaient pas. Et je me suis vue donné un doliprane et du spasfon… Oh désespoir ! J’ai encore une fois eu droit au discours accusateur. Ce discours m’incriminant de me rendre malade. « Vous êtes stressée au travail ? Vous êtes angoissée ? » Oui, forcément, après vingt mois d’errance médicale et des douleurs de plus en plus intenses et chroniques, je suis angoissée. Après vingt mois de réel combat pour me faire entendre, je suis angoissée. Angoissée qu’encore une fois, on ne m’écoute pas. Alors j’ai pleuré d’épuisement face à ces deux dames. J’ai expliqué ce que je pouvais, j’ai énuméré l’ensemble de mes symptômes, j’ai expliqué que l’Hépar qu’on m’avait prescrit ne servait à rien et j’ai indiqué avoir récemment pris des rendez-vous avec des spécialistes. Car je n’ai pas baissé les bras. Et je sais que je ne les baisserai pas. La semaine dernière, j’ai repris rendez-vous avec la remplaçante de mon docteur, seule personne du corps médical m’ayant écoutée jusqu’ici. Et j’ai également pris rendez-vous en juin avec un gynécologue spécialiste en endométriose et en juillet avec un gastro-entérologue. Le médecin des urgences m’a donc donné une semaine de traitement antidouleur pour que je puisse partir à Séville et m’a prescrit un scanner à passer avant mes rendez- vous. « Cela fera avancer les choses plus vite, si le gastro-entérologue souhaite vous en faire passer un, ce sera déjà fait ». Je les ai remercié, je suis rentrée chez moi, et j’ai repris ma pilule, désormais certaine à plus de 90% d’être atteinte d’endométriose.

Endométriose Errance médicale Urgences

Ce petit séjour aux urgences, bien que fort désagréable, m’aura tout de même permis d’avancer dans mon diagnostic. Car après trois jours sans hormones, je retrouve très péniblement les mêmes sensations qu’il y a trois ans. En 2019, avant de partir à Tahiti, j’avais arrêté ma contraception pour mettre un stérilet. Cela faisait dix ans que je prenais des hormones. Malheureusement après deux mois de douleurs quotidiennes, j’étais revenue en arrière. Étant tombée dans les pommes lors de la mise en place du stérilet, j’étais persuadée qu’il y avait un problème avec son positionnement. Et si finalement, le problème venait de mon corps ? Si finalement, j’étais depuis toujours atteinte d’endométriose dont le développement avait été maîtrisé par dix ans de pilule ? Et si ce bref passage sans hormones avait réveillé le démon ?

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