1. Mes débuts avec l’endométriose.

Buvez de l’Hépar !

Lundi 25 avril 2022, j’ai décidé d’arrêter la pilule.

Il semblerait que les règles douloureuses soient le seul et unique symptôme pris au sérieux pour explorer la piste de l’endométriose. Je sors de chez le médecin et je suis plus désespérée que jamais. Elle m’a donné une ordonnance avec sérieusement écrit « Hépar, 3 verres / jour ». Non mais sans déconner… Cela fait plus d’un an et neuf mois que mon corps part en vrille et que j’enchaine problèmes digestifs, gynécologiques et urinaires. Et elle ne retient que ça, je suis constipée. Mais ça c’est depuis toujours ma petite dame, je n’ai jamais été aux toilettes chaque jour de façon régulière. Mais écoutez bordel, il n’y a pas que ça ! Et ça ne peut pas être QUE ça. Je mange équilibré, des fruits et des légumes frais chaque jour, peu de viande, peu gras et peu sucré. J’ai grandement limité les sorties et donc l’alcool, je fais du sport, je bois du thé et de la tisane pour « décoller » ces putains de selles… Et je n’ai apparemment même plus aucun tabou pour parler de matières fécales ! Je crois que c’est depuis qu’on m’a fait faire caca dans des pots, trois jours consécutifs et deux fois de suite (ouais la laborantine avait oublié de m’expliquer le protocole et j’ai dû recommencer. Et quand on est constipée, faire caca trois jours à la suite y’a pas plus simple !). J’arrive à un point où je peux parler de tout ce qu’il m’arrive à n’importe qui, sans aucune gêne. Si le fait d’en parler pouvait littéralement – enfin ici plutôt physiquement – extérioriser le problème, ce serait franchement une bonne chose. Que je puisse l’exprimer, le verbaliser et le laisser là. N’importe où hors de mon corps. Un petit tas à balayer. Tenez madame, c’est cadeau, faites en ce que vous voulez !

Mais la réalité est toute autre. Je peux parler de ce qu’il m’arrive sans trop de honte, oui. C’est la simple et triste histoire qui m’arrive. Mais je n’en parle que très peu. Et mes soucis restent bien accrochés. En réalité, cela fait un an et neuf mois que le discours est quasiment le même. Et que donc, j’ai arrêté d’en parler. Je ne sais plus à qui en parler. J’ai certainement peur d’être l’amie chiante qui ne va jamais bien. Celle qui a toujours un pet de travers sans que l’on sache réellement si elle est malade ou non. J’ai du mal à refuser une bière même lorsque mon corps m’indique ne pas en vouloir, alors je refuse ou annule les sorties. Je n’ai pas envie de devoir expliquer. Pas envie que l’on me montre de l’empathie. Je ne veux simplement plus que ce problème existe. Il y a certainement là-dedans une grande part d’inacceptation. Je refuse d’affronter cela au grand jour, sous les yeux de tous. Je refuse qu’on puisse me voir dans la difficulté. C’est encore un combat que je subis plus qu’autre chose. Et en même temps, contre quoi est-ce que je me bats au juste ? Si seulement il y avait des mots autres que les miens, un nom, un putain de diagnostic qui permettrait d’avancer. Mais il n’en est rien.

On m’a parlé d’endométriose un an après l’arrivée de mes problèmes. Après quatre ou cinq infections, des tonnes de crises de douleurs post rapports sexuels, un kyste sur l’ovaire gauche et une alternance constipation / diarrhée plus que bien installée. J’ai envoyé la liste de tout ça au papa médecin d’une amie. Et il a sorti ce mot. Accompagné de : « diagnostic très difficile mais tout y est. Dans l’ovaire c’est un endométriome. Il faut voir un gynécologue référent endométriose ». Et il m’a donné le nom d’un spécialiste. J’ai pris un rendez-vous. J’ai passé une IRM qui s’est révélée négative. J’ai annulé le rendez-vous. Et oublié cette histoire. Bêtement. Jusqu’à ce rendez-vous en février dernier avec la remplaçante de mon nouveau médecin. Nouveau médecin que j’ai d’ailleurs vu aujourd’hui pour la première fois. En plus de vingt mois j’ai déjà raconté tout ceci à un gynéco, une interne en médecine, trois médecins, deux remplaçants et deux manip radios. Mon premier médecin ? Partie à la retraite après m’avoir donné quatre fois des antibiotiques. Ma flore intestinale vous remercie. Mon second médecin ? Aucune écoute et aucune volonté. Une ordonnance permanente pour ECBU et Monuril accompagnés de sachets censés réguler mes selles me donnant plus que jamais mal au ventre. Et roulez jeunesse, sortez de mon cabinet. L’interne en gynécologie ? « Mais vous n’êtes pas enceinte ? », « Ah si si, depuis 13 mois maintenant ! »… Et mon troisième médecin, une ordonnance pour de l’Hépar et de l’huile de paraffine. Impeccable. Un coup d’éponge magique sur le bord de touche et on repart dans le jeu Dupeyron ! J’en ris. J’en ris mais je suis épuisée. J’aimerais ne plus avoir à reprendre toute l’histoire au début. J’aimerais que l’on m’écoute. J’aimerais ne plus en pleurer à n’importe quel moment de la journée et ne plus être réveillée la nuit. J’aimerais réussir à garder le bouton de mon pantalon fermé. Ce putain de bouton !

Alors si règles douloureuses il faut, règles douloureuses il y aura ! J’ai conscience, et donc désespoir, d’en être réduite à me rendre malade pour espérer être écoutée. Je m’apprête à dérégler mon corps, à le laisser aller à ses travers pour le faire parler à ma place. Puisqu’apparemment je ne suis QUE constipée. Cet après-midi, j’avais apporté un résumé de toute mon histoire au médecin. Et elle ne l’a qu’à peine regardé. Je me suis sentie expédiée. Le rendez-vous a duré moins de 15 minutes, je suis ressortie les yeux rouges de larmes, sans un mot gentil, sans savoir quand revenir la voir. Elle m’a rapidement auscultée le ventre, m’a indiqué que puisqu’à ce jour je n’avais pas de règles douloureuses et une IRM négative, je n’avais pas d’endométriose. Et l’endométriose qu’on ne voit pas toujours à l’IRM, ça existe non ? Ma question reste sans réponse. Je n’ai pas pu parler car elle n\’était pas à l’écoute. Et ce soir, à posteriori, je pense à de nombreuses choses que j’aurais aimé qu’elle sache. Des petites choses qui mises bout à bout, ont peut-être un sens. Et puis elle a sorti un « pour la maladie cœliaque, ma remplaçante vous a fait faire le test mais les personnes intolérantes au gluten sont très maigres et ce n’est pas votre cas. Vous avez une morphologie normale ». Ah, d’accord. Je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour toutes ces personnes cœliaques à morphologie « normale », j’espère que votre médecin à moins d’idées reçues que le mien… Une morphologie normale… Non mais sans rire ! Son idée actuelle, car j’ai posé des questions pour essayer de comprendre, c’est d’aller au bout des recherches concernant mon système digestif avant d’approfondir le diagnostic de l’endométriose. Car selon elle, le seul moyen de découvrir son existence, c’est à l’aide d’une cœlioscopie donc avec incisions dans l’abdomen. Elle ne doit pas savoir que c’est une maladie difficilement identifiable pour laquelle certains médecins, des gynécologues, des radiologues se spécialisent… Alors après le test respiratoire, la prise de sang (tiens d’ailleurs je n’ai même pas demandé si d’après elle tout était normal) et le caca dans des pots, je vais refaire une prise de sang pour détecter une éventuelle allergie alimentaire et boire de l’Hépar.

Au fond de moi, je sais que son approche est plutôt bonne. Elle y va pas à pas. Mais je n’ai plus le temps. Je ne peux plus attendre. Sa remplaçante m’avait écoutée et rassurée pendant trente-cinq minutes, elle avait été très proactive. Alors je vais faire en sorte de la revoir. J’ai besoin d’un médecin à l’écoute pour m’aider dans ce combat. Et je fais la maline à dire cela, mais ces mots ne viennent pas de moi. J’ai la chance d’avoir une personne qui m’accompagne dans tout ça. Une personne qui me donne un peu de force même si je refuse encore de trop en demander. Une personne qui répond présente dès que j’accepte, et c’est bien dur, mon besoin d’aide. J’ai encore trop peur d’être un fardeau et trop peu l’habitude d’avoir besoin des autres. Comme le dirait ma sophrologue, j’ai passé beaucoup de temps à m’occuper de mon entourage. Et il faut maintenant que j’accepte que l’on s’occupe de moi. Compétence clairement encore en cours d’acquisition… Mais cette personne a raison. Si l’accompagnement que l’on me procure ne me convient pas, je me dois d’aller en chercher un autre. Alors la remplaçante oui, elle va bien revenir un jour. Et puis un rendez-vous avec un gastroentérologue, éventuellement une coloscopie (sans incision, à la différence de la cœlioscopie) et un rendez-vous avec ce fameux gynécologue spécialisé en endométriose à Bordeaux. Je me dois de redoubler d’efforts et d’être proactive. C’est dur, j’en pleure souvent, mais ce n’est pas fini. Tant que je n’ai pas mis de mots dessus, quoi que ce soit, ce n’est pas fini.

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